Il n’y a pas de mal à se faire du bien. Mais y a-t-il du bien à se faire du mal? Par exemple, théoriquement, un actif, cela ne se déprécie jamais de gaieté de cœur. Pourtant, dans certaines circonstances, on peut parfois en tirer une petite satisfaction. Ainsi, quand Vivendi a déprécié, mardi 26 février, la valeur de sa participation dans Canal+ France de 665 millions d’euros, le groupe avait tout un tas de bonnes raisons de le faire: hausse de la TVA, baisse des abonnements, sans oublier les Qataris de BeIN Sport, qui font grimper les enchères sur les droits sportifs. Mais cette dépréciation n’a pas que des mauvais côtés, car elle contribue, par ricochet, à faire fondre la valeur de la part minoritaire que détient Lagardère dans la chaîne cryptée.
Cela tombe bien, le groupe d’Arnaud Lagardère cherche querelle à Vivendi depuis quelques semaines. Il veut se débarrasser de ses 20% dans Canal+, mais pas à n’importe quel prix. Vivendi est prêt à racheter, mais pas à n’importe quel prix. Les affaires, quoi.
Toutefois, le ton est monté d’un cran mi-février, quand Lagardère a brandi l’arme juridique pour réclamer la restitution de 1,6 milliard d’euros de trésorerie à Canal+ France. «Pas question», a répondu Vivendi, considérant l’opération comme un transfert de valeur de ses actionnaires vers ceux de Lagardère. Jean-René Fourtou, le président de Vivendi, qui a d’autres chats à fouetter (deux ou trois choses à régler sur le plan stratégique), n’a pas apprécié et a attaqué pour abus de procédure.
Lors de la présentation de ses résultats annuels, mardi 26 février, Vivendi a fait mine de calmer le jeu en se disant «ouvert à toutes les discussions», tout en dépréciant, dans le même temps, ses parts dans Canal+ France. Du coup, les 20% que détient Lagardère, qui sont inscrits dans ses comptes pour une valeur de 1,5 milliard d’euros, ne vaudraient plus que 730 millions.
Un véritable cauchemar pour M.Lagardère, qui, sur ce dossier, tombe de Charybde en Scylla. En 2009, il a commis l’erreur de ne pas racheter les parts de TF1 et M6, qui lui donneraient aujourd’hui plus de poids dans ce dossier. En 2011, il a refusé le milliard que lui proposait Vivendi. Depuis, il court après une introduction en Bourse de sa participation, mais qui lui rapporterait encore moins. Avec la dépréciation annoncée mardi (qui n’est que purement comptable), on se rapproche de la valeur à laquelle Vivendi estime aujourd’hui la part de Lagardère: entre 600 et 700 millions d’euros.
En 2002, lorsque M.Fourtou se battait pour la survie de Vivendi après le départ de Jean-Marie Messier, M.Lagardère ne lui avait pas été d’un grand secours, notamment sur le dossier Canal+. Jean-René Fourtou a de la mémoire. Arnaud Lagardère devrait s’en souvenir.