Est-ce le chant du cygne? En tout cas, alors que ses jours semblent comptés dans sa configuration actuelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) s’est soudainement senti pousser des ailes.Dans sa décision d’autoriser le rachat de Direct 8 par Canal+, l’instance a voulu faire preuve d’une sévérité qu’on lui avait rarement connue.
Mais ce n’est pas parce qu’on a longtemps fait preuve de mansuétude qu’au premier mouvement de sourcil on devient impitoyable. De ce point de vue, les contraintes imposées à Canal+ doivent être largement relativisées à l’aune des perspectives que le rachat de Direct 8 offre à la chaîne cryptée. Rebaptisée D8, la départementale pourrait se transformer en autoroute pour Canal. Canal+, en situation de monopole sur le marché de la télévision payante, obtient donc l’autorisation de venir chasser sur les terres de TF1, M6 et France Télévisions. Sa puissance de feu financière est telle que les concurrents ont quelques soucis à se faire. Grâce au lobbying méticuleux de Nonce Paolini, le patron de TF1, et de Nicolas de Tavernost, celui de M6, le CSA a glissé quelques cailloux dans les chaussures de Canal. Mais pas sûr qu’ils réussissent à faire boiter la chaîne cryptée sur le chemin de ses ambitions décryptées.
Ainsi, l’obligation de patienter dix-huit mois avant de pouvoir diffuser sur D8 les séries maison comme «Braquo», «Mafiosa» ou «Kaboul Kitchen» ne semble pas bien méchante. Prenons «Braquo», dont la saison 1 a été lancée en 2009. D8 peut donc, d’ores et déjà, donner une seconde vie à une série qui n’a été vue que par les téléspectateurs de Canal.
La limitation sur les séries américaines – une seule en «prime time» par semaine – est certes contraignante, mais elle ne vise que les productions des grands studios américains. Pas celles achetées, par exemple à HBO, réputée pour sa créativité. Canal pourrait même faire contre mauvaise fortune, bon cœur et faire de la contrainte un élément différenciant permettant à D8 de se forger une identité à même d’attirer les téléspectateurs à haut revenus qu’elle cible.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que TF1 et M6 vont devoir consacrer beaucoup plus de moyens financiers à leurs filiales respectives, TMC et W9 pour affronter la nouvelle concurrence de D8. Mais pour Canal+, le rachat arrive à point nommé alors que BeIN est en train de lui tailler des croupières sur le sport.
Reste une interrogation: la chaîne cryptée sait-elle faire de l’audience en clair? Les scores réalisés par les tranches du matin et de la mi-journée après vingt-sept ans d’existence, sont là pour entretenir le doute.